Cette conférence propose une lecture critique des politiques de lutte contre la radicalisation en Europe, à partir des travaux de Prof. Nadia Fadil (KU Leuven) et Dr. Montassir Sakhi (KU Leuven & IAS-UM6P), avec une contribution de Prof. Souad Eddouada (Université Ibn Tofail – Kénitra).
Depuis plusieurs années, la notion de « radicalisation » s’est imposée comme cadre de référence dans les sphères politiques, sécuritaires et académiques pour désigner certains comportements associés à la violence au nom du religieux. En Europe, elle a donné lieu à une série de dispositifs publics articulant prévention, accompagnement social, et contrôle sécuritaire, souvent ciblés vers les populations musulmanes.
S’appuyant sur une enquête ethnographique menée en Belgique, les intervenant·e·s explorent les mécanismes à travers lesquels ces politiques façonnent une nouvelle forme de gouvernementalité dans les sociétés libérales. À la croisée du social et du pénal, ces dispositifs mobilisent des institutions comme l’école, les services sociaux ou les structures de jeunesse dans une logique de gestion des risques et de production de subjectivités conformes.
L’analyse met en lumière la manière dont ces dynamiques s’inscrivent dans une continuité postcoloniale, où l’islam devient un objet de régulation étatique, mais aussi un révélateur des tensions profondes entre sécurité, liberté et appartenance citoyenne. Les récits recueillis auprès de personnes de retour de Syrie, de leurs familles, ainsi que des professionnel·le·s du champ social, permettent de saisir concrètement les effets de ces politiques sur les trajectoires individuelles et les pratiques collectives.
La discussion avec Souad Eddouada vient enrichir cette perspective en inscrivant ces enjeux dans une réflexion plus large sur les usages politiques du religieux et les dynamiques de genre dans les sociétés majoritairement musulmanes. Son approche éclaire les parallèles entre les régulations européennes et celles mises en œuvre dans les contextes du Sud global.
Cette réflexion croisée ouvre un espace critique pour repenser les cadres dominants d’analyse du religieux, de la sécurité et de l’altérité dans les sociétés contemporaines.
